Marie Konan, co-fondatrice de l’ONG Gloria Fondation Community

«Sans une subvention suffisante, nous ne pouvons pas arriver à réaliser…»
Co-fondatrice et présidente de l’Ong Gloria Fondation community, Marie Konan, lutte pour de nombreux cas sociaux. A savoir l’aide aux jeunes mères déscolarisées et aux enfants défavorisés, la sensibilisation des jeunes filles sur les grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles, ainsi que le retour des nouvelles générations à la valeur culturelle. Dans cet entretien, elle nous parle de son combat et des challenges sur le terrain.
Comment vous est venue l’idée de créer cette Ong et quelle mission lui avez-vous assignée ?
L’idée d’initier cette fondation pour enclencher ce combat m’est venue suite à l’abus que j’ai subi par mon oncle lorsque j’avais 9 ans.
Suite aussi à une situation vécue par ma petite soeur qui avait 12 ans et était en classe de 5ème. Et qui est tombée enceinte et a caché sa
condition à notre mère. Elle a suivi des copines qui l’ont conseillée de s’orienter vers les médicaments traditionnels, afin d’avorter, sans
que cela soit su de ses parents. C’est ainsi qu’elle a pris des médicaments traditionnels et après une semaine, j’ai constaté que ma frangine a maigri et a contracté des saignements. Malheureusement en ce temps, ma mère avait perdu sa génitrice et s’en était allée au village pour les obsèques. J’ai fait cas de son état à un ami gynécologue, qui l’a trouvée à l’hôpital et après des analyses, il avait déduit que ma petite soeur avait avorté clandestinement. Par la grâce divine, il a pu la prendre en charge et elle a été internée durant deux semaines. J’ai conclu que vu qu’elle avait peur de se confier à notre mère et du jugement que son alentour allait faire à son encontre, elle a préféré faire un avortement risqué et sans assistance médicale. Donc, avec tout ce que ma sœurette et moi avons vécu et aussi de jeunes filles autour de nous depuis notre adolescence, étant jeune j’ai dit que lorsque je serai grande je me battrai pour ces causes mentionnées suscitées.
Vous luttez pour plusieurs entités, notamment l’émancipation et l’autonomisation du genre. Quel intérêt représentent les causes pour lesquelles vous menez ce combat à géométrie multiple ?
Nous sommes dans une société qui juge sans connaître le vécu d’une telle ou d’un tel. C’est fréquent que de nombreuses personnes portent
des jugements du premier regard ou sans vivre ce que les mis en cause ont traversé comme problèmes. Les jeunes filles qui tombent enceinte
très jeunes sont stigmatisées dans la société. On ne se pose pas la bonne question de savoir pourquoi cela est arrivé ou comment cela a pu
arriver ? Beaucoup de personnes plongent dans des jugements absurdes. Les entités pour lesquelles je me bats sont le résumé de vie
antérieure que des filles, ma petite soeur et moi avons été les témoins et victimes. Lorsque je pars pour des villages et constate quelconque chose d’anormal, je sens berné par toute situation perçue. Le fléau de grossesse précoce me rend triste et me rappelle le souvenir lointain des souffrances qu’a connues ma petite soeur et d’autres filles. Je lutte aussi contre la maltraitance et les violences faites aux enfants, au vu de ce que j’ai vécu avec mon oncle. En effet, après la perte de mon père très jeune, ses parents m’ont abandonnée à ma mère. Vu qu’elle devait aller au travail, il n’y avait personne pour s’occuper de moi. Elle a passé son temps à m’emmener aux domiciles d’oncles à tantes, où j’ai vécu tellement de choses qui me sont impossibles à expliquer.
Ce qui veut dire que la mission de votre Ong est d’enlever les souffrances aux personnes dans le besoin. Alors quelles actions avez-vous menées pour elles ?
Jusqu’à ce jour notre structure scolarise plus de 150 filles-mères. Nous scolarisons aussi près de 100 enfants de 10 à 12 ans et qui n’avaient auparavant jamais mis les pieds dans des salles de classe. Nous leur donnons une deuxième chance pour pouvoir s’insérer plus tard dans le tissu social. Aujourd’hui pour ces jeunes mères qui refusent d’aller à l’école à cause de certains facteurs, nous essayons de les encourager à y retourner, tout en leur faisant comprendre que faire un enfant n’est pas la fin du monde et qu’elles ont la vie devant elles. Et aussi qu’elles ont beaucoup de choses à réaliser pour rendre leur enfant heureux. C’est pourquoi nous essayons tant bien que mal de scolariser toutes ces filles. Nous sommes dans une société très difficile dans laquelle des familles prennent un seul repas par jour. Concentrez-vous donc sur les calamités que vivent les enfants de ces familles. Les personnes qui n’ont pas vécu ce genre de cas ne peuvent pas comprendre la situation que ces personnes vivent au quotidien. Comment un père de famille qui est maçon et payé deux mille francs Cfa à la journée peut faire des économies pour scolariser sa ou ses progéniture (s) ? Sa famille est obligée de vivre au jour le jour. Aujourd’hui, notre association essaie d’accompagner et de suivre les personnes en détresse. Je ne peux pas me vouloir satisfaite à 100% mais je peux me vanter d’être fière des réalisations de mon Ong à 50%.
Les enfants qui sont sous votre coupole, sont-ils dans des foyers ou dans leur cercle familial ?
Vu que nous n’avons pas encore de centre d’accueil, ces enfants sont chez leurs parents. Chaque quinzaine nous les visitons pour nous
imprégner de leur situation et leur apportons ce dont ils ont besoin. Nous sommes en pourparlers avec la Préfecture d’Abidjan pour acquérir
un terrain pour la construction d’un centre où seront hébergées les personnes en difficultés.
Pour l’heure, pensez-vous que les subventions qui vous sont faites par des organismes ou des personnes altruistes peuvent vous permettre d’accomplir votre rêve ?
A 70% nous travaillons avec nos propres fonds grâce aux deux fondatrices et aux membres. 30% de nos avoirs proviennent des
donateurs. J’en appelle au ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant et aussi au ministère de l’Education nationale et de
l’Alphabétisation, afin qu’ils puissent nous soutenir dans notre combat. Nous n’avons pas assez de moyens et nous essayons de faire
avec ce que nous avons. Aujourd’hui nous avons besoin d’aides pour pouvoir stopper les fléaux pour lesquels nous nous battons.
Dernièrement à Adzopé, vous avez mené une mission d’aide à l’épanouissement à la culture. Pourquoi ce choix qui ne figure pas au catalogue de vos missions ?
L’épanouissement de la culture dans la Mé conformément au festival pour jeunes qui a vu son apothéose à Adzopé, est pour nous un moyen de faire passer un grand message à la jeunesse, notamment celui de faire attention aux infections sexuellement transmissibles, qui aujourd’hui, malgré qu’on en parle pas assez est un fléau grave. Il faut savoir qu’il y a des infections génitales qui font que la jeune fille ne peut pas enfanter. Et lorsqu’elles affectent la jeune fille, celle-ci court le risque de ne pas tomber enceinte, encore moins d’enfanter.
Malheureusement, on n’en parle pas assez dans nos sociétés. Je prends en exemple le papillomavirus qui est une infection qui rend la jeune
fille stérile. Nous étendons aussi notre champ d’actions en sensibilisant les jeunes filles dans des établissements sur les Infections sexuellement transmises (Ist), les grossesses précoces et leurs conséquences, etc. Nous avons fait des sensibilisations dans six régions de la Côte d’Ivoire et cette année notre choix s’est porté sur celle de la Mé, avec en ligne de mire porter le message dans toutes les régions les années à venir.
Un appel à lancer à l’endroit des décideurs ou à des personnes de bonne volonté ?
Aujourd’hui, notre fondation a besoin d’un centre. Appel est donc lancé à personne de bonne volonté et aux décideurs de nous permettre
d’obtenir un terrain pour construire un centre comme on le dit, de la ‘’Deuxième chance’’ qui va permettre aux jeunes filles qui ne peuvent
pas aller à l’école à cause de leur condition de mères ou en voie de l’être, de pouvoir apprendre des métiers, dans l’optique de leur assurer un avenir certain. Un centre où elles apprendront la coiffure, la couture, la pâtisserie et autres métiers, afin de leur garantir un avenir meilleur. Sans une subvention suffisante, nous ne pouvons pas arriver à réaliser notre rêve qui est aussi celui de ces filles, sans oublier les enfants qui sont à notre charge. C’est un grand cri que Gloria fondation community fait à toutes celles et tous ceux qui peuvent l’entendre, à l’effet de lui permettre de se mettre pleinement au service des couches défavorisées. Parce que seule, notre organisation ne peut pas changer le monde. Ensemble nous pouvons améliorer les choses.
Propos recueillis par Actulive.ci